• Say goodbye to who I was

    Chère Ana, 

    Je ne pourrais jamais décrire à quel point l'amour maladif que j'avais pour toi a été l'amour le plus fort et le plus mauvais que je n'ai jamais connu. Tu es la peine d'amour qui me fait le plus pleurer, car une partie de moi souhaite me détacher de toi à jamais et une autre souhaite se coucher à tes côtés en passant ainsi ma main sur ton corps si maigre pour t'aimer à jamais. L'amour que tu me donnais, si cela en était vraiment, n'était qu'un mélange de désapprobation, de contrôle, de manipulation et d'autodestruction. Mais, l'amour rends aveugle, non ?  Plus je me détruisais, plus je me sentais proche de toi et plus je me sentais rassurée. Il n'avait pas de fin, ni même de faim. J'étais ton jouet. Et le pire, c'est que j'aimais ça jusqu'à la folie, la véritable. Tu volais peu à peu mon temps, mon énergie et ma vie sans que je n'ai un quelconque sentiment de nostalgie. Tu me montrais le chemin et je suivais ta carte à la lettre, à une précision irréfutable. Ce que j'ignorais c'est que lorsqu'il fallait vraiment tourner à droite, tu me faisais tourner à gauche et lorsque qu'il fallait vraiment que je mange, tu me faisais dépenser de l'énergie que je n'avais pas. On m'a longtemps dit que je t'aimais mal, même que je ne devais pas t'aimer, mais c'était si facile me laisser bercer dans tes bras, pour que tu me chuchotes des mots doux chaque fois que je cachais de la nourriture sous mes vêtements, que je restais debout pour faire mes devoirs ou que je jetais mon dîner dans les toilettes de l'école. Peut-être que dans le fond, c'est toi qui m'aimais mal, même qu'au final, aimer, je ne sais pas si tu savais comment. Mais tu me rassurais si bien, comme ces fois où je me réveillais en panique, ayant rêver que je mangeais. Tu n'étais toutefois pas là pour me rassurer lorsque je criais de douleur dans mon lit, ne sentant plus mes jambes glacées. Mais, tu me rassurais si bien, comme ces fois où je m'enfermais chez les autres aux salles de bains, le dos déchiré et bleuté, sur le sol à faire des redressements assis. Tu n'étais toutefois toujours pas là pour me rassurer quand je pleurais en revenant de l'école car, je n'avais plus la force de te suivre. Mais, tu me rassurais si bien, comme ces fois où tu diminuais sans cesse mes apports caloriques. Tu n'étais toutefois pas là pour me rassurer lorsque je pleurais à l'hôpital voulant à tout prix sortir. Et, chaque fois que je voulais rompre les liens qui nous unissaient, tu es resté. Je t'ai fait resté. J'avais besoin de toi, même si tu n'étais toujours pas là pour me rassurer. J'avais besoin de vivre à travers toi, car je n'étais plus rien. Je suis devenue toi, avec le temps. Je suis devenue tes yeux, voulant me voir de plus en plus maigre. Je suis devenue ton corps si méconnaissable, si laid, mais si réconfortant. J'adorais toucher les os de ton bassin ressortis, j'adorais toucher tes côtes et ton ventre si creux. Et ils furent miens. Qui ne rêve pas d'une histoire d'amour où tu ne fais qu'un avec l'être aimé ? Je m'aimais du même amour que tu me donnais. Je m'aimais d'un amour malade et aveugle. Un amour destructeur, un amour violent, un amour tueur. Mais ça restait de l'amour, non ?  Parfois je me demande à quel point j'ai été en manque d'amour pour accepter un amour aussi sale que le tien. Parfois je me demande comment je pourrais faire pour te ravoir à mes côtés pour que tu puisses contrôler ma vie à nouveau, car je n'y arrive pas. Parfois je me demande comment j'ai pu sourire lorsque j'ai vu ce fameux nombre tomber à deux chiffres. Parfois je me demande si tu pourrais me sauver de cette noyade que tu as provoqué. Parfois, je me demande si l'amour malade que tu m'as donné n'était qu'un amour empoissonné de mensonges.

    J'aimerais que tu me rendes le temps que tu m'as volé, mon innocence et que chaque larme que j'ai versé, chaque gramme que j'ai perdu, chaque faux-sourire que j'ai eu, chaque bleus sur le dos qui me sont apparus, chaque crise de colère, chaque cheveux perdus, chaque duvet apparu sur mon corps, chaque nourriture jetée ou cachée, chaque privation, chaque redressements assis, chaque tour de vélo, chaque mensonge, chaque envie de dépenser le plus d'énergie possible, chaque baignade, chaque crise de panique, te fasse l'effet que ça fait lorsqu'on t'ouvre la peau au sang et qu'on y saupoudre du sel, le tout mélangé d'une bonne dose d'alcool à friction. 

    J'aimerais que tu me rendes la liberté que tu m'as volé, la réalité et que chaque fois où j'ai jeté de la nourriture que je voulais manger, chaque fois où j'ai souris suite à ma pesée trop quotidienne, chaque fois que j'ai dit adieu, sans même le savoir, à une partie de moi, chaque fois où je suis allée en vélo et que je savais bien que je ne voulais pas, chaque fois où j'ai entendu que les autres s'endorment pour faire de l'exercice, chaque fois où j'ai fait de l'exercice à l'hôpital, chaque fois où les infirmières sont venues me réveiller la nuit à cause de mon cœur, chaque fois où je ne me suis pas sentie assez belle pour toi, chaque fois où j'ai laissé couler la douche pour faire mes exercices, chaque fois où j'ai lu debout, chaque fois où j'ai aimé ce corps maigre, chaque fois où je l'ai pris en photo, chaque fois que j'ai abandonné quelque chose que j'aime, chaque fois où je ne me suis pas lavée, chaque fois où j'ai eu peur de manger, chaque fois où je n'ai pas mangé, chaque fois où j'ai emprunté le chemin le plus long pour dépenser le plus d'énergie, chaque fois que j'ai voulu ouvrir la porte pour dépenser de l'énergie, chaque fois où je n'ai pas dîné à l'école, chaque fois que je souriais à l'idée de jeter mon dîné au toilette le lendemain ,avant de m'endormir, chaque fois où je voulais maigrir d'avantage, chaque fois où j'ai mis mon poing entre mes jambes et mes mains autour de ma taille, chaque fois que j'ai passé le dîner à marcher autour de l'école, chaque fois où tout ça n'était qu'un jeu pour moi, chaque fois que je me privais des semaines avant pour un événement, chaque fois où j'étais censée avoir mes règles, mais que je ne les ai pas eu, chaque fois où j'étais déconnecté de la réalité, chaque fois que j'ai refusé de la nourriture qu'on m'offrait par peur, chaque fois que je voyais mes os lorsque je me regardais dans le miroir, chaque fois où j'ai aimé voir ces os, chaque fois que je ne mangeais qu'une pomme, chaque fois où je pleurais en fessant de l'exercice car, j'étais à bout, chaque fois où je me suis habillée en linge d'hiver quand c'était l'été, chaque fois où j'ai monté le chauffage, étant frigorifiée, chaque fois où mes doigts étaient bleus et que mes mains étaient complètement séchés et rugueuses, chaque fois que je n'ai pas mis la quantité que je voulais vraiment de beurre d'arachide sur mes toasts, chaque fois où je jetais mon verre de lait dans le levier sans qu'on ne s'en rende compte, chaque fois où j'ai détesté manger, chaque fois où je me sentais coupable de sentir de la nourriture sur mon palais, je voudrais que chacune de ces fois te fasse l'effet que ressent une jeune fille de 13 ans diagnostiquée pour anorexie.

    Je voudrais que chacune de ces fois te fasse l'effet que ressent cette jeune fille d'avoir été aimé d'un amour malade, ton amour malade


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